vendredi 12 avril 2013

L'INFORMATION MÉDICALE


 L’INFORMATION MEDICALE
Journée des Centres de Lutte contre le Cancer,
Intervention Philippe CHOULET


La loi Kouchner était porteuse d’un changement symbolique : le respect de l’information et de la volonté, non plus comme une simple obligation du professionnel de santé, mais comme un droit fondamental du patient ( art. L.1111-1° & suiv. du CSP ).
L’information médicale atteint le plus haut degré de normativité : article 35 du Code de déontologie médicale ; jurisprudence « obligation accessoire d’information » assise légale art. L.1111-1 à L.1111-9 du CSP ; Cass. 1ère civ. 9 octobre 2011 : valeur constitutionnelle attachée aux principes de « sauvegarde de la dignité de la personne humaine » ; normes supra nationales : arrêt du 2 Juin 2009 de la Cour Européenne des Droits de l’Homme : le droit du patient à l’information est protégé sur le fondement de l’article 8 de la convention ( CEDH, 2 juin 2009, JCP, G, 2009, I, 308, B. Sargos ) convention d’OVIEDO du 4 Avril 1999 sur les droits de l’homme et la biomédecine ratifiée par la France le 13 Décembre 2011 et entrée en vigueur le 1er Avril 2012.




I – EXTENSION CONSTANTE DEPUIS LA LOI DU 4 MARS 2002 DE L’ETENDUE DE L’INFORMATION MEDICALE

1 - Quant aux personnes

1.1 – Les débiteurs de l’information ne sont pas seulement les médecins

- Article L.1111-2 alinéa 2° « Tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables ».

- L’obligation pèse également sur les établissements de santé : engage sa responsabilité la Clinique qui n’attire pas l’attention d’une patiente sur l’absence de qualification du médecin généraliste ayant réalisé sans succès une opération de chirurgie esthétique. ( Cass. 1ère civ. 11 juin 2009, D., 2010, 363, notes G. Mémeteau ).

- L’obligation d’information pèse sur le fabriquant de produits de santé à l’égard des professionnels de santé ainsi qu’à l’égard des usagers.

1.2 – Les créanciers de l’information ne sont pas seulement les malades

- Pour l’usager, l’information doit porter sur les différentes phases de l’acte médical : état de santé du patient, nature et utilité de l’acte projeté, urgence éventuelle, coût de l’acte médical et, bien sûr, les risques.

- Droit d’accès direct aux informations médicales pour les usagers, les ayants-droit du défunt ( art. L.1111-7 al. 6°), aux documents « formalisés » et aux notes personnelles du médecin ( décret du 7 Mai 2012, réforme du Code de déontologie médicale – art. L.1111-7 du CSP ).

- Information de la personne de confiance et renforcement de la prise en compte de la volonté et de la protection des incapables à la décision médicale et autonomie de décision du mineur ( pré-majorité médicale ).

- Information des parents d’un enfant atteint d’un handicap congénital : cass. civ. 8 juillet 2008 : la cour écarte l’application de la loi du 4 mars 2002 pour le « dommage survenu antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi, indépendamment de la date d’introduction de la demande en justice. » et Cons. Const. 11 juin 2010, QPC, D. 2010, p.
1980.


2 – Quant aux risques

§ Des risques « graves et fréquents » aux « risques exceptionnels » : en dépit de la rédaction « ambigüe » de l’article L.1111-2, la jurisprudence réaffirme la jurisprudence antérieure à la loi quant à l’information sur les risques exceptionnels CE, 19 mai 2004 ; CE, 30 novembre 2011 ; CE, 11 juillet 2011 ) normalement
prévisibles.

§ Des risques « exceptionnels » aux risques « connus » : il ne s’agit pas de savoir si le médecin connaissait le risque grave des soins mais si ces risques étaient recensés par la science médicale. Cela signifie que le médecin est également obligé de s’informer pour informer à son tour correctement son patient : ex. risque de thrombophlébite du sinus caverneux, pourtant sujet à débat dans le corps médical ; ex. : ototoxicité
médicamenteuse ; ( cass. 1ère civ. 6 février 2013 : « une information générale sur les risques liés à un acte de chirurgie réparatrice ne suffit pas à décharger le médecin de son obligation d’information : le chirurgien a failli à son obligation d’expliquer les risques précis de l’abdominoplastie notamment par la remise d’une notice exhaustive – risques connus ).

§ Des risques « connus » aux « infections nosocomiales » ( cass. 1ère civ. 8 avril 2010, RDC 2010, obs. G. Viney ). Infections nosocomiales scientifiquement connues.

§ Des informations antérieures à l’acte médical à l’extension de l’information postérieure à l’acte médical. L’article L.1111-2 alinéa 1° exige d’informer le patient des risques nouveaux identifiés postérieurement à l’exécution des investigations et, afin de faciliter la demande d’indemnisation des victimes, l’article L.1142-4 du CSP : obligations particulières d’information en cas d’accident médical ( risque de développement : affaire du sang contaminé ou du Distilbène ), ex : les risques en radiothérapie.


Au final : les modes de preuve.

Cass. 1ère civ, 12 juin 2012 : « la preuve par le médecin du respect de ses obligations d’information peut être rapportée par tous moyens, y compris par des témoignages, des indices et des présomptions dès lors que ceux-ci sont jugés suffisants : la patiente avait déjà subi une intervention d’arthrodèse par le même chirurgien cinq ans avant avec un résultat favorable. Depuis, elle avait été suivie par ce médecin et, lorsque les douleurs lombaires sont réapparues, elle l’a revu à plusieurs reprises avant l’indication chirurgicale. Chaque consultation a été suivie d’une lettre adressée à son médecin traitant et l’intervention n’a été programmée qu’après une nouvelle consultation. »

Cependant, l’obligation d’information permet de compenser l’absence de faute technique prouvée : la faute d’humanisme intervient alors comme un substitut à la faute technique défaillante.
Si le défaut d’information est une faute présumée, cette présomption est cependant simple puisque le médecin peut la renverser mais la jurisprudence ne lui est pas favorable : ni les affirmations orales émanant du médecin ( cass. 1ère civ. 14 octobre 2010, n° 09-70221 ), ni le délai écoulé entre deux consultations ( cass. 1ère civ. 28 octobre 2010, n° 09-13990 ) ne suffit à apporter une telle preuve et l’écrit n’est ni suffisant ni nécessaire ( Cour d’Appel, Toulouse, 25 octobre 2010, D. 2011, 292, notes F. Vialla ).

En revanche, la dernière jurisprudence a tendance à prendre en considération les « hésitations » ou « l’anxiété des patients » comme un élément de preuve de l’information donnée par l’acteur de santé.



II – LES INCERTITUDES DE LA SANCTION DU DEFAUT D’INFORMATION


1 – La responsabilité pour faute : nécessité de prouver le lien de causalité entre le défaut d’information et son dommage

1.1 - Incertitudes causales et perte de chances

- Le principe de l’application de la théorie de la perte de chances est constant en jurisprudence depuis 1997 pour la Cour de cassation et depuis 2000 pour le Conseil d’Etat, en présence d’un défaut d’information.

- Complément d’indemnisation par l’ONIAM dans un arrêt du 11 Mars 2010 : la Cour, au double visa des articles L.1142-1 et L.1142-18 du CSP : « Il résulte du rapprochement de ces textes que ne peuvent être exclus du bénéfice de la réparation au titre de la solidarité nationale les préjudices, non indemnisés ayant pour seule origine un accident non fautif. » Cette jurisprudence permet à la victime d’obtenir une réparation intégrale de son préjudice corporel.

- Même mieux informé, le malade aurait accepté l’opération à risques : aucune chance d’éviter le dommage et ici perdu. Indemnisation écartée. ( Cass. 1ère civ. 6 décembre 2007, Juris Data 2007-041797 ; CE, 24 juillet 2009, Juris Data n° 2009-008137 : perte de chance écartée en raison de l’absence d’alternative thérapeutique ).

1.2 – La consécration du dommage moral

Revirement historique du 3 Juin 2010 ( cass. 1ère, 3 juin 2010, JCP, G, 2010-788, notes S. Porchy-Simon : se plaignant d’impuissance sexuelle complète et irréversible, un patient a agi en responsabilité contre l’urologue qui avait pratiqué l’opération, lui reprochant un défaut d’information sur les risques d’impuissance ). L’arrêt de la Cour
d’Appel est cassé au visa des articles 16, 16-3 et 1382 du Code Civil : « Il résulte des deux premiers de ces textes que toute personne a le droit d’être informée préalablement aux investigations, traitements ou actions de prévention proposées, des risques inhérents à ceux-ci et que son consentement doit être recueilli par le praticien. » La Cour reconnaît que le manquement à l’obligation d’information cause nécessairement un dommage au patient, dommage corporel ou perte de chance de l’éviter, ou simple dommage moral.

Ce préjudice moral pourrait se concevoir en l’absence de dommage corporel. ( Cf. aussi, Cass. 1ère civ. 12 janvier 2012, Lamy Droit de la santé : « Qui admet une présomption irréfragable de préjudice » )

Au final, la Cour a choisi de réparer non pas un préjudice moral d’impréparation du risque réalisé mais l’atteinte à un droit subjectif, le droit du patient d’être informé prenant appui sur le droit au respect de l’intégrité corporelle ( art. 16-3 du code civil ) et le droit au respect de la dignité de la personne ( art. 16 du même code ). ( Cass. 1ère civ. 12 juin 2012 : « le défaut d’information sur la non-conformité d’un traitement au regard de l’indication de l’AMM constitue en soi un préjudice pour le patient », gaz. pal. 19 juillet 2012, p. 11 ).


2 – La responsabilité sans faute ou le recours a des présomptions de causalité, sous certaines conditions

La responsabilité sans faute en cas de dommage causé par des produits de santé défectueux ( loi de 1978 et art. 1386-4 du code civil ).

- La Cour de cassation n’a pas hésité à présumer le lien causal entre le DEF ou DISTHILTIBESTROL et les différents fabricants de cette molécule ( cass. 1ère civ. 24 septembre 2009 : « Les filles du Distilbène victimes de discrimination » , JCP, G, 20-314, notes Radé ).

- Ici, l’information n’est pas envisagée comme fondant la responsabilité mais en tant qu’élément d’appréciation du défaut et la doctrine propose de mettre en avant, aussi, le critère du bilan bénéfices-risques, de sorte que pourrait être défectueux un produit dont les dangers, même signalés, dépasseraient largement l’utilité ou les bénéfices escomptés ( cass. 1ère civ. 5 avril 2005, RTD civ. 2005, p. 607, obs. Jourdain, faisant référence à « la gravité des effets nocifs constatés » ).

* * *

L’information des usagers du système de santé a comme but premier l’expression de leur volonté, la loi du 4 Mars 2002 renforçant le droit au respect de la volonté de la personne capable en instaurant un droit absolu du patient de refuser l’acte médical ( art. L.1111-4 alinéas 2° & 3° du CSP ) : réelle autonomie du patient dans la réalisation des soins.

( Cf. Nouvel article R.4127-35 du CSP : le médecin ne peut plus décider, de son propre
chef, de tenir un malade dans l’ignorance d’un diagnostic ou d’un pronostic ).

Philippe CHOULET

mardi 3 juillet 2012

ADDICTIONS, MEDECINS ADDICTOLOGUES ET RESPONSABILITES

ADDICTIONS, MEDECINS ADDICTOLOGUES ET RESPONSABILITÉS



Tabac, alcool, drogues, médicaments, déviances sexuelles, jeux, la prise en charge et la prévention des addictions relèvent de plus en plus des médecins addictologues, souvent regroupés dans des «  centres de soins, d’accompagnement et de prévoyance en addictologie  » ( CSAPA ). Les conduites addictives entraînent des cancers mais aussi des troubles de la personnalité ou des violences. Le travail considérable effectué par les médecins addictologues ainsi que par les professions voisines ( psychologues, infirmières, éducateurs sociaux ) génère une nouvelle responsabilité professionnelle, laissant la part belle, d’abord, aux responsabilités pénales et déontologiques ( I ), mais aussi à la responsabilité administrative ou civile, avec des développements spécifiques sur les obligations d’information, sur les effets indésirables des médicaments ou sur les retards fautifs de diagnostics, en présence de maladies chroniques ( SIDA, cancer, hépatite C ) ( II ).


I – ATTENTION AUX RISQUES PENAUX ET DEONTOLOGIQUES DU COTE DES MEDECINS ADDICTOLOGUES


a – une activité où la responsabilité pénale n’est pas seulement theorique 


- Risque de tomber sous le coup du délit de provocation à l’usage illicite de stupéfiants ou même délit de trafic de stupéfiants ( article L.3421-1 du Code de la Santé Publique et article 22.34-39 du Code Pénal ), dès lors que les «  centres d’injection supervisés  » reconnus en Suisse, en Allemagne, aux Pays-Bas ou ailleurs ne sont pas acceptés en France ( avis négatif du Conseil National de l’Ordre des Médecins de Juin 2012 ). 


- Tribunal de Grande Instance de PARIS, 10 Décembre 1997, condamnation d’un pharmacien qui a délivré une prescription de complaisance prenant la forme d’un traitement de substitution ( PALFIUN ), 18 mois de prison et amende 


- Attention aux risques de violation du secret professionnel ( article 226-13 du Code Pénal et 4 du Code de Déontologie ). Ce délit peut être retenu tant à l’encontre du personnel soignant que du personnel non soignant. Cependant, il existe des exceptions, assez développées, à la règle du secret médical qui peuvent être regroupées autour des deux points suivants  


  Exceptions prévues dans un but de sécurité publique :
. possibilité de saisir les autorités sanitaires en présence de personne usant de façon illicite de stupéfiants pour les médecins et assistantes sociales ( article L.3412-1 du Code de la Santé Publique ). Il s’agit en réalité d’une permission de révélation des faits dans l’intérêt de la santé publique. 
. injonction de soins applicables aux délinquants sexuels
. hospitalisation d’office des malades mentaux et soins sur demande d’un tiers. 


  Exceptions en faveur de la justice : cinq cas peuvent être retenus :
. autorisation donnée par la loi de communiquer des documents médicaux ou administratifs en présence de demande de renseignements de la police ou de la gendarmerie ( enquête préliminaire, flagrant délit, réquisition )
. obligation de renseigner la justice en présence d’une commission rogatoire ou flagrance dès lors qu’un juge d’instruction est nommé
. le secret médical s’impose au regard des demandes de témoignage sur l’état de santé des patients
. aux questions des experts judiciaires, il convient de distinguer les instances pénales des autres
. dénonciation d’infraction permise par la loi mais non obligatoire ( crime ou délit ), exception pour les mineurs de moins de 15 ans ou les personnes non en mesure d’assurer leur protection ( article 226-14-2° du Code Pénal )


b – les chambres disciplinaires de l’ordre des médecins sont attentives a la rédaction des certificats médicaux qui ne doivent être ni de complaisance, ni marquér une immixtion dans les affaires de famille


- Réformes de la protection juridique des personnes majeures ( loi du 5 Mars 2007 ) et de la protection des droits des personnes hospitalisées d’office ou nécessitant des soins psychiatriques ( loi du 5 Juillet 2011 ) multipliant les occasions de rédaction des certificats médicaux, ces derniers étant, pour la dernière réforme, appréciés par le juge des libertés et de la détention qui procède systématiquement au contrôle des hospitalisations et des soins. 


- Nécessité de rédiger les certificats sur des données objectives après des examens cliniques et indiquer dans les certificats les difficultés à examiner la personne et détailler les troubles relevés. 


Ces certificats sont la plupart du temps des exceptions au secret médical dans l’intérêt du patient et sont donc interprétés de façon stricte par la justice ordinale.


II – UNE RESPONSABILITE ADMINISTRATIVE OU CIVILE DEVELOPPEE EN MATIERE DE DEFAUT D’INFORMATION ET AU REGARD DU RETARD FAUTIF DE DIAGNOSTIC 


- L’information doit porter sur les deux volets suivants pour les médecins addictologues : d’une part, information sur la pathologie et son évolution possible et, d’autre part, information sur les traitements médicamenteux ( risques de pharmaco dépendance et effets secondaires ). 


- Nécessité de recourir aux informations données par les firmes pharmaceutiques et surtout de conserver la preuve apportée au malade de l’information donnée par le prescripteur. 


- Le contentieux est réel en matière de permis de conduire, lors de la prescription de psychotropes ( médicaments de substitution aux opiacés ) et en présence de patients alcoolisés ou drogués en cours de traitement.  


- Les prescriptions hors AMM restent possibles mais doivent comporter plus d’avantages que d’inconvénients et nécessitent une information accrue sur les risques connus ( exemple : Ritaline ).
( Cass. 1ère civ. 8 octobre 2011 : l’information délivrée au malade par l’intermédiaire de la notice du médicament doit être aussi complète que celle prévue à destination des professionnels de santé et publiée dans le Vidal ) 


- Jurisprudences assez abondantes sur le retard de diagnostic fautif en lien avec une pathologie chronique ( hépatite C, SIDA., cancer ) lorsque les recommandations des conférences de consensus ou de la Haute Autorité de Santé n’ont pas été respectées : indemnisation au titre d’une perte de chance correspondant à une fraction du préjudice final.  Aussi, indemnisation lorsque le diagnostic de SIDA est posé sans que ce diagnostic ait été vérifié par un second prélèvement.  


*   *   *



En conclusion, il convient de garder à l’esprit que les procédures sont souvent intentées après le décès du patient atteint d’une addiction par sa famille ou ses proches, dans un cadre qui sera donc en «  décalage  » par rapport au lien de confiance qui a pu s’instaurer entre le thérapeute et le malade, ce qui nécessite d’être créatif au regard de la conservation des éléments de preuve ( dictée vocale, dossier médical, travail en équipe ).

mercredi 25 mai 2011

LES CHANCES DE SUCCÈS DES PLAINTES DÉPOSÉES PAR LES MÉDECINS CONTRE L'AFSSAPS (RECOURS CONTRE L'ÉTAT FRANÇAIS)

Dans l'affaire du Médiator, le Ministre Xavier BERTRAND a déclaré sur France 5 : "Les médecins ne seront pas les payeurs, je le dis très clairement." Début Mai, le gouvernement a publié le texte créant le fonds d'indemnisation pour les victimes du Médiator et c'est dans ce contexte qu'un certain nombre de médecins ont déposé un recours préalable à l'encontre de l'AFSSAPS et menacent de saisir le Tribunal Administratif pour manquement à l'obligation d'information.

Le fonds d'indemnisation publique qui entrera en vigueur en Septembre sera géré par l'ONIAM et c'est lui qui déterminera les responsabilités afin de savoir qui devra indemniser les victimes.





1) Dans la mesure où il n'y a pas de jurisprudence faisant autorité, il convient de faire la distinction selon qu'on est au stade de l'autorisation de mise sur le marché proprement dite ou que l'on est au stade de sa modification ou de son renouvellement.

Il n'apparaît pas possible d'agir directement contre l'AFSSAPS mais contre l'État Français qui porte en définitive la responsabilité de l'AFSSAPS.

- Au stade de l'autorisation de mise au marché, le contrôle effectué à cet instant par l'AFSSAPS est particulièrement restreint et la délivrance de l'AMM s'appuie sur l'analyse d'un rapport bénéfice/risque appréhendé de façon globale et donc seule une "faute lourde" serait susceptible d'engager sa responsabilité.

- En revanche, au stade de la modification ou du renouvellement de cette AMM - qui peut avoir lieu plusieurs années après la délivrance proprement dite - l'état des connaissances scientifiques sur le produit de santé ayant évolué, les informations de pharmacovigilance ayant pu être récoltées, compilées et analysées, on considère qu'une seule "faute simple" suffirait à engager la responsabilité de l'AFSSAPS.

La position actuelle des Laboratoires SERVIER qui consiste à dire que l'AFSSAPS aurait sa part de responsabilité dans le préjudice causé par son médicament-phare, aidé en cela par le rapport "DEBRE et EVEN", devrait nous permettre d'avoir prochainement une jurisprudence sur la possibilité d'un partage de responsabilités entre un producteur et de l'AFSSAPS mais également sur l'appréciation de la gravité de la faute commise par cet établissement susceptible d'engager sa responsabilité.





2) La seconde entité juridique vers laquelle on serait tenté de se retourner est tout naturellement l'Agence européenne des médicaments, la grande majorité des décisions d'AMM des médicaments étant délivrée au niveau européen.

Alors attention car exercer une action récursoire contre l'Agence européenne, c'est en réalité exercer une action contre la Commission Européenne puisque si l'Agence évalue le bénéfice/risque d'un médicament, c'est la Commission européenne qui décidera, au final, de délivrer ou non l'AMM (TPICE, 10 Décembre 2002 et TPICE, 5 Décembre 2007).

La grande difficulté d'une action récursoire contre la Commission européenne va être caractériser une faute à son encontre et la jurisprudence exige une "méconnaissance manifeste et grave des limites qui s'imposent au pouvoir d'appréciation de l'institution communautaire", en d'autres termes une violation caractérisée du droit communautaire que la doctrine assimile - voire place un cran au dessus - de la "faute lourde" en droit français.

Autant dire que la Commission européenne (et à travers elle l'UE) bénéficie d'une quasi immunité en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, ce qui est un véritable "pied de nez" aux États membres et à leurs producteurs qui subissent - depuis près de 25 ans - le régime de la responsabilité sans faute!


Fait à LYON
Le 20 Mai 2011

Cabinet d'Avocats CHOULET et Associés,
8 place Bellecour - 69002 LYON

mercredi 4 mai 2011

TRAUMA ET REPARATION MEDICO-LÉGALE

1- Force est de reconnaître que la prise en compte des "blessures psychiques" est à la traîne au regard des blessures physique, ce qui est contraire à la définition même du dommage corporel qui représente: "l'atteinte à l'intégrité physique et psychique de la victime".


Les trois règles fondamentales suivantes doivent être rappelées, en présence de stress post traumatique:

- La bonne foi se présume et il n'est donc pas concevable de suspecter, a priori, une simulation après un traumatisme crânien, une confrontation avec un événement violent ou traumatisant dont la réalité est avérée. Les experts judiciaires doivent se faire communiquer les circonstances de l'accident comprenant les éléments factuels et médicaux: blessé? mort? plainte des proches de la victime?...

- L'imputabilité à l'accident est établi par le caractère  du traumatisme ou par le choc émotionnel, quel que soit le terrain fragile de la victime. En effet, dans deux décisions de principe de 2007, la Cour de Cassation a utilement rappelé que: " L'imputabilité d'un dommage corporel doit être appréciée sans qu'il soit tenu compte des prédispositions de la victime dès que ces prédispositions n'avaient pas déjà eu des conséquences préjudiciables au moment où s'est produit le fait dommageable."
" Seul l'état pathologique antérieur qui s'est révélé peut être pris en compte dans le taux de DFT (Déficit Fonctionnel Permanent)."

- Selon leur nature et leur importance, les troubles neuropsychiques doivent être intégrés ou bien dans le DFT (ancienne IPP) OU dans la souffrance endurée (utilisation du barème du Concours Médical prévoyant en pareil cas des majorations de ces taux pour prendre en considération les séquelles psychiques).
Cependant, les experts peuvent aussi recourir des chefs de préjudices spécifiques comme le préjudices d'angoisse, voire le préjudice de morcellement.



2- Dans le cas spécifique des traumatisée crâniens qui touche notamment des personnes atteintes "d'handicaps invisibles", il convient de recourir à une mission expertale spécifique mise en place récemment par l'AREDOC, qui a pris soin d'adapter la nomenclature Dintilhac au spécificités des traumatisés crâniens, (mission expertale de Décembre 2009)

Là également, des chefs de préjudices spécifiques peuvent être invoqués, comme le préjudice de "perte d'identité" ou "privation des joies de l'enfance".




Les opérations d'expertises doivent laisser place à des discussions objectives sur l'applications des barèmes, celui du Concours Médical étant parfois contesté pour les traumatisés crâniens au profit du barème de la société de la médecine légale et des associations de médecines experts de dommages corporels, présentant une synthèse plus proche des troubles fonctionnels.


*     *     *


Le temps de l'expertise, véritable temps du procès en réparation corporelle, doit faire l'objet de toutes les attentions des parties, des experts judiciaires, du juge en charge des opérations d'expertise et des avocats.

jeudi 7 avril 2011

LA PRESCRIPTION HORS AMM
Tout produit pharmaceutique doit faire l'objet d'une Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) qui peut être délivré soit par l'Agence Européenne pour l'Evaluation des Médicaments ( EMEA - niveau européen ) soit par l'Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé ( AFSSAPS - niveau national ) qui ont pour mission d'évaluer le «rapport bénéfice/risque» du médicament concerné en terme de qualité, de sécurité et d'efficacité.
Dans quelle mesure un médecin peut engager sa responsabilité lorsqu'il a prescrit hors du cadre légal de l'AMM ?
Le principe : la liberté de prescription
Le principe fondamental de la liberté de prescription est le corollaire de l'indépendance professionnelle du médecin, l'article 8 du Code de déontologie médicale rappelant « Dans les limites fixées par la loi, le médecin est libre de ses prescriptions qui seront celles qu'il estime les plus appropriées en la circonstance ».
Cette liberté de prescription est-elle envisageable hors F AMM ?
Il existe deux cas de prescriptions hors AMM légalement autorisées :
  • Les Autorisations Temporaires d'Utilisation ( ATU ) prévues à l'article L.5121-12 du Code de la santé publique et il peut s'agir de l'ATU dite « pré-AMM » dans l'hypothèse où l'efficacité et la sécurité des médicaments sont fortement présumées au vu des résultats des essais thérapeutiques ou l'ATU dite « nominative » demandée par le médecin prescripteur et qui permet la délivrance d'une autorisation de mise sur le marché uniquement pour la durée du traitement d'un malade nommément désigné pour une durée qui ne peut dépasser un an.
  • La recherche médicale ( médicaments en cours d'essais cliniques pouvant être fournis en cas de nécessité impérieuse pour la santé publique ) prévue par les dispositions du décret N° 90-872 du 27 septembre 1990.
Quand peut-on prescrire hors AMM ?
L'article 40 du Code de déontologie médicale rappelle que : «Le médecin doit s'interdire, dans les investigations et interventions qu'il pratique comme dans les thérapeutiques qu'il prescrit, défaire courir au patient un risque injustifié. »
Il appartient donc au praticien, toujours dans l'intérêt de son patient, de faire un choix proportionné en évaluant le bénéfice de la prescription hors AMM par rapport aux risques susceptibles d'être engendrés par une telle prescription.
Sur quel(s) fondement(s) iuridique(s) la responsabilité du médecin peut-elle être engagée ?
1. La responsabilité civile
Depuis l'entrée en vigueur des dispositions de la Loi Kouchner du 4 Mars 2002, Le médecin le médecin ne peut voir sa responsabilité professionnelle engagée qu'en cas de faute qui peut revêtir deux aspects :
  • Un défaut d'information c'est à dire une absence information ou une information incomplète ou inexacte sur les effets indésirables du médicament prescrit n'ayant pas permis au patient de fournir un consentement éclairé au traitement prescrit étant précisé que depuis 1997 (Civ., lère, 25 Février 1997, Bull 1997,1, N° 75, p. 49), il appartient au médecin de rapporter la preuve que l'information a bien été donnée.
  • Un manquement aux règles de l'art caractérisé par la prescription d'un traitement médicamenteux inadapté où l'intérêt du patient n'aurait pas été pris en compte au regard des effets indésirables du médicament. L'article 8 du Code déontologie consacrant la liberté de prescription rappelle également : « Il doit tenir compte des avantages, des inconvénients et des conséquences des différentes investigations et thérapeutiques possibles, »
2. La responsabilité pénale
  • Homicide involontaire prévu à l'article 221-6 du Code pénal qui sanctionne « l'imprudence, la négligence ou le manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement »
  • Mise en danger de la vie du patient sur le fondement de l'article 223-1 du Code pénal qui sanctionne également « le seul fait d'exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement »
3. La responsabilité ordinale
Une procédure diligentée par le patient devant le Juge ordinale pourra être cumulée avec une éventuelle procédure civile et pénale et le médecin pourra voir sa responsabilité engagée s'il est établi qu'il a commis un manquement aux articles 8, 40 et 39 du Code de déontologie médicale.

samedi 1 janvier 2011

Meilleurs Voeux




Philippe CHOULET,
Michel BOULOUYS, Jean-Philippe KLINZ, Basile PERRON
Muriel STURM

Vous présentent des voeux chaleureux pour 2011.