LES CHANCES DE SUCCÈS DES PLAINTES DÉPOSÉES PAR LES MÉDECINS CONTRE L'AFSSAPS (RECOURS CONTRE L'ÉTAT FRANÇAIS)
Dans l'affaire du Médiator, le Ministre Xavier BERTRAND a déclaré sur France 5 : "Les médecins ne seront pas les payeurs, je le dis très clairement." Début Mai, le gouvernement a publié le texte créant le fonds d'indemnisation pour les victimes du Médiator et c'est dans ce contexte qu'un certain nombre de médecins ont déposé un recours préalable à l'encontre de l'AFSSAPS et menacent de saisir le Tribunal Administratif pour manquement à l'obligation d'information.
Le fonds d'indemnisation publique qui entrera en vigueur en Septembre sera géré par l'ONIAM et c'est lui qui déterminera les responsabilités afin de savoir qui devra indemniser les victimes.
1) Dans la mesure où il n'y a pas de jurisprudence faisant autorité, il convient de faire la distinction selon qu'on est au stade de l'autorisation de mise sur le marché proprement dite ou que l'on est au stade de sa modification ou de son renouvellement.
Il n'apparaît pas possible d'agir directement contre l'AFSSAPS mais contre l'État Français qui porte en définitive la responsabilité de l'AFSSAPS.
- Au stade de l'autorisation de mise au marché, le contrôle effectué à cet instant par l'AFSSAPS est particulièrement restreint et la délivrance de l'AMM s'appuie sur l'analyse d'un rapport bénéfice/risque appréhendé de façon globale et donc seule une "faute lourde" serait susceptible d'engager sa responsabilité.
- En revanche, au stade de la modification ou du renouvellement de cette AMM - qui peut avoir lieu plusieurs années après la délivrance proprement dite - l'état des connaissances scientifiques sur le produit de santé ayant évolué, les informations de pharmacovigilance ayant pu être récoltées, compilées et analysées, on considère qu'une seule "faute simple" suffirait à engager la responsabilité de l'AFSSAPS.
La position actuelle des Laboratoires SERVIER qui consiste à dire que l'AFSSAPS aurait sa part de responsabilité dans le préjudice causé par son médicament-phare, aidé en cela par le rapport "DEBRE et EVEN", devrait nous permettre d'avoir prochainement une jurisprudence sur la possibilité d'un partage de responsabilités entre un producteur et de l'AFSSAPS mais également sur l'appréciation de la gravité de la faute commise par cet établissement susceptible d'engager sa responsabilité.
2) La seconde entité juridique vers laquelle on serait tenté de se retourner est tout naturellement l'Agence européenne des médicaments, la grande majorité des décisions d'AMM des médicaments étant délivrée au niveau européen.
Alors attention car exercer une action récursoire contre l'Agence européenne, c'est en réalité exercer une action contre la Commission Européenne puisque si l'Agence évalue le bénéfice/risque d'un médicament, c'est la Commission européenne qui décidera, au final, de délivrer ou non l'AMM (TPICE, 10 Décembre 2002 et TPICE, 5 Décembre 2007).
La grande difficulté d'une action récursoire contre la Commission européenne va être caractériser une faute à son encontre et la jurisprudence exige une "méconnaissance manifeste et grave des limites qui s'imposent au pouvoir d'appréciation de l'institution communautaire", en d'autres termes une violation caractérisée du droit communautaire que la doctrine assimile - voire place un cran au dessus - de la "faute lourde" en droit français.
Autant dire que la Commission européenne (et à travers elle l'UE) bénéficie d'une quasi immunité en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, ce qui est un véritable "pied de nez" aux États membres et à leurs producteurs qui subissent - depuis près de 25 ans - le régime de la responsabilité sans faute!
Fait à LYON
Le 20 Mai 2011
Cabinet d'Avocats CHOULET et Associés,
8 place Bellecour - 69002 LYON