mercredi 25 mai 2011

LES CHANCES DE SUCCÈS DES PLAINTES DÉPOSÉES PAR LES MÉDECINS CONTRE L'AFSSAPS (RECOURS CONTRE L'ÉTAT FRANÇAIS)

Dans l'affaire du Médiator, le Ministre Xavier BERTRAND a déclaré sur France 5 : "Les médecins ne seront pas les payeurs, je le dis très clairement." Début Mai, le gouvernement a publié le texte créant le fonds d'indemnisation pour les victimes du Médiator et c'est dans ce contexte qu'un certain nombre de médecins ont déposé un recours préalable à l'encontre de l'AFSSAPS et menacent de saisir le Tribunal Administratif pour manquement à l'obligation d'information.

Le fonds d'indemnisation publique qui entrera en vigueur en Septembre sera géré par l'ONIAM et c'est lui qui déterminera les responsabilités afin de savoir qui devra indemniser les victimes.





1) Dans la mesure où il n'y a pas de jurisprudence faisant autorité, il convient de faire la distinction selon qu'on est au stade de l'autorisation de mise sur le marché proprement dite ou que l'on est au stade de sa modification ou de son renouvellement.

Il n'apparaît pas possible d'agir directement contre l'AFSSAPS mais contre l'État Français qui porte en définitive la responsabilité de l'AFSSAPS.

- Au stade de l'autorisation de mise au marché, le contrôle effectué à cet instant par l'AFSSAPS est particulièrement restreint et la délivrance de l'AMM s'appuie sur l'analyse d'un rapport bénéfice/risque appréhendé de façon globale et donc seule une "faute lourde" serait susceptible d'engager sa responsabilité.

- En revanche, au stade de la modification ou du renouvellement de cette AMM - qui peut avoir lieu plusieurs années après la délivrance proprement dite - l'état des connaissances scientifiques sur le produit de santé ayant évolué, les informations de pharmacovigilance ayant pu être récoltées, compilées et analysées, on considère qu'une seule "faute simple" suffirait à engager la responsabilité de l'AFSSAPS.

La position actuelle des Laboratoires SERVIER qui consiste à dire que l'AFSSAPS aurait sa part de responsabilité dans le préjudice causé par son médicament-phare, aidé en cela par le rapport "DEBRE et EVEN", devrait nous permettre d'avoir prochainement une jurisprudence sur la possibilité d'un partage de responsabilités entre un producteur et de l'AFSSAPS mais également sur l'appréciation de la gravité de la faute commise par cet établissement susceptible d'engager sa responsabilité.





2) La seconde entité juridique vers laquelle on serait tenté de se retourner est tout naturellement l'Agence européenne des médicaments, la grande majorité des décisions d'AMM des médicaments étant délivrée au niveau européen.

Alors attention car exercer une action récursoire contre l'Agence européenne, c'est en réalité exercer une action contre la Commission Européenne puisque si l'Agence évalue le bénéfice/risque d'un médicament, c'est la Commission européenne qui décidera, au final, de délivrer ou non l'AMM (TPICE, 10 Décembre 2002 et TPICE, 5 Décembre 2007).

La grande difficulté d'une action récursoire contre la Commission européenne va être caractériser une faute à son encontre et la jurisprudence exige une "méconnaissance manifeste et grave des limites qui s'imposent au pouvoir d'appréciation de l'institution communautaire", en d'autres termes une violation caractérisée du droit communautaire que la doctrine assimile - voire place un cran au dessus - de la "faute lourde" en droit français.

Autant dire que la Commission européenne (et à travers elle l'UE) bénéficie d'une quasi immunité en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, ce qui est un véritable "pied de nez" aux États membres et à leurs producteurs qui subissent - depuis près de 25 ans - le régime de la responsabilité sans faute!


Fait à LYON
Le 20 Mai 2011

Cabinet d'Avocats CHOULET et Associés,
8 place Bellecour - 69002 LYON

mercredi 4 mai 2011

TRAUMA ET REPARATION MEDICO-LÉGALE

1- Force est de reconnaître que la prise en compte des "blessures psychiques" est à la traîne au regard des blessures physique, ce qui est contraire à la définition même du dommage corporel qui représente: "l'atteinte à l'intégrité physique et psychique de la victime".


Les trois règles fondamentales suivantes doivent être rappelées, en présence de stress post traumatique:

- La bonne foi se présume et il n'est donc pas concevable de suspecter, a priori, une simulation après un traumatisme crânien, une confrontation avec un événement violent ou traumatisant dont la réalité est avérée. Les experts judiciaires doivent se faire communiquer les circonstances de l'accident comprenant les éléments factuels et médicaux: blessé? mort? plainte des proches de la victime?...

- L'imputabilité à l'accident est établi par le caractère  du traumatisme ou par le choc émotionnel, quel que soit le terrain fragile de la victime. En effet, dans deux décisions de principe de 2007, la Cour de Cassation a utilement rappelé que: " L'imputabilité d'un dommage corporel doit être appréciée sans qu'il soit tenu compte des prédispositions de la victime dès que ces prédispositions n'avaient pas déjà eu des conséquences préjudiciables au moment où s'est produit le fait dommageable."
" Seul l'état pathologique antérieur qui s'est révélé peut être pris en compte dans le taux de DFT (Déficit Fonctionnel Permanent)."

- Selon leur nature et leur importance, les troubles neuropsychiques doivent être intégrés ou bien dans le DFT (ancienne IPP) OU dans la souffrance endurée (utilisation du barème du Concours Médical prévoyant en pareil cas des majorations de ces taux pour prendre en considération les séquelles psychiques).
Cependant, les experts peuvent aussi recourir des chefs de préjudices spécifiques comme le préjudices d'angoisse, voire le préjudice de morcellement.



2- Dans le cas spécifique des traumatisée crâniens qui touche notamment des personnes atteintes "d'handicaps invisibles", il convient de recourir à une mission expertale spécifique mise en place récemment par l'AREDOC, qui a pris soin d'adapter la nomenclature Dintilhac au spécificités des traumatisés crâniens, (mission expertale de Décembre 2009)

Là également, des chefs de préjudices spécifiques peuvent être invoqués, comme le préjudice de "perte d'identité" ou "privation des joies de l'enfance".




Les opérations d'expertises doivent laisser place à des discussions objectives sur l'applications des barèmes, celui du Concours Médical étant parfois contesté pour les traumatisés crâniens au profit du barème de la société de la médecine légale et des associations de médecines experts de dommages corporels, présentant une synthèse plus proche des troubles fonctionnels.


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Le temps de l'expertise, véritable temps du procès en réparation corporelle, doit faire l'objet de toutes les attentions des parties, des experts judiciaires, du juge en charge des opérations d'expertise et des avocats.