CONTENTIEUX DE l'HEPATITE C : L’ABSENCE DE RECOURS POSSIBLE DE L’ONIAM CONTRE L’ASSUREUR DE L’ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG
Notre précédent billet sur la nouvelle procédure d’indemnisation des victimes « post-transfusionnelle » de Hépatite C mise en œuvre par la loi du 17 Décembre 2008 doit être approfondi autour de l’épineuse question de savoir si l’ONIAM – une fois la victime amiablement indemnisée du fait de sa contamination par le virus de l'Hépatite C – a-t-il une possibilité de se retourner contre l’assureur de l’Établissement Français du Sang ?
Quelles que soient les avancées de la loi du 17 Décembre 2008, la vigilance s’impose sur les deux points suivants :
• RESPECT DU PRINCIPE DE LA REPARATION INTEGRALE DU PREJUDICE
La réparation doit se faire sans perte ni profit pour la victime.
Or, lors de la saisine de l’ONIAM, les victimes devront justifier de l’atteinte par le virus de l’hépatite C d’origine sanguine et, de plus, justifier l’ensemble de leurs éléments de préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux. C’est la raison pour laquelle le nouveau dispositif autorise la représentation par un avocat ou l’assistance par un médecin conseil, même si le coût de ces interventions est laissé à la charge des personnes contaminées.
En effet, l’indemnisation des personnes contaminées par le virus de l’hépatite C est un droit complexe, comme en témoigne la jurisprudence, jusqu’à maintenant souvent contradictoire et aléatoire, des juridictions civiles et administratives.
Par exemple, en cas de guérison de la victime, le préjudice spécifique de contamination a été refusé par un arrêt de la Cour de cassation du 10 Décembre 2009 ( cass. 2ème civ. 10 décembre 2009, n° 0817390 ) et admis par un autre arrêt de la Cour de cassation du 19 Novembre 2009 ( cass. 2ème civ. 19 novembre 2009, n° 0815853 ). Il existe par ailleurs des frontières mouvantes entre l’indemnisation du préjudice spécifique de contamination par le virus de l’hépatite C et l’indemnisation du préjudice esthétique et du préjudice de souffrance enduré ( refus du cumul d’indemnisation par la Cour de cassation, arrêt du 19 Novembre 2009 ) ou entre le préjudice spécifique de contamination et l’indemnisation du préjudice professionnel, ou encore du déficit fonctionnel temporaire ou permanent ( admis par la Cour de cassation, dans les arrêts du 19 Novembre 2009 ) et ce, en raison de la définition donnée du préjudice spécifique de contamination « ensemble des préjudices à caractère personnel tant physiques que psychiques consécutifs à l’infection virale ».
En revanche, les juridictions administratives qui étaient exclusivement compétentes avant la réforme de 2008, n’ont pas reconnu l’existence du préjudice spécifique de contamination et renvoyaient à deux chefs de préjudices le préjudice moral et le trouble dans les conditions d’existence ( CE, 9 avril 1993 ).
Il convient donc de veiller à ce que les offres d’indemnisation de l’ONIAM incluent tous les chefs de préjudice subis par la victime et les indemnisent de façon décente.
• CHARGE DE L’INDEMNISATION DES PERSONNES CONTAMINEES DOIT ETRE SUPPORTE PAR LA SOLIDARITE NATIONALE ET NON PAS PAR LES ACTEURS DE SANTE, VIA LEURS ASSUREURS MUTUALISTES
L’indemnisation des victimes de l’hépatite C a été conçue par les textes par renvoi au régime des victimes du SIDA., comme en atteste l’article L 1121-14 du Code de la Santé Publique ( aussi, articles L 11423-22, L 3122-1, 2° & 3° alinéas de l’article L 3122-2 et 1° alinéa de l’article L 3122-3 ) .
Or, l’article L 3122-4 du même code dispose que « l’office est subrogé à due concurrence des sommes versées dans les droits que possède la victime contre la personne responsable du dommage ainsi que contre les personnes tenues à un titre quelconque d’en assurer la réparation totale ou partielle dans la limite du montant des prestations à la charge desdites personnes. Toutefois, l’office ne peut engager d’action au titre de cette subrogation que lorsque le dommage est imputable à une faute ».
De plus, l’article 67 de la loi du 17 Décembre 2008 précise que « l’action subrogatoire prévue à l’article L 3122-4 ne peut être exercé par l’office si l’établissement de transfusion sanguine n’est pas assuré, si sa couverture d’assurance est épuisé ou encore dans le cas où le délai de validité de sa couverture est expiré, sauf si la contamination trouve son origine dans une violation ou un manquement mentionné à l’article L 1123-5 ».
Sans ambiguïté, il ressort de la lecture des textes précités que le recours subrogatoire de l’ONIAM contre les Centres de Transfusion Sanguine – ou l’Etablissement Français du Sang – n’est possible qu’en cas de faute prouvée, ce qui sera excessivement rare, interdisant quasiment tout recours subrogatoire contre les assureurs mutualistes par l’ONIAM.
Cette analyse est corroborée par un premier avis de Madame le Professeur Stéphanie PORCHY-SIMON.
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En matière de solidarité nationale, comme en amour, ce ne sont pas les déclarations qui comptent mais les preuves de solidarité nationale.