jeudi 30 décembre 2010

INDEMNISATION AMIABLE DES PREJUDICES CONSÉCUTIFS À UNE CONTAMINATION POST TRANSFUSIONNELLE PAR LE VHC : LES PREMIÈRES OFFRES DE L’ONIAM DÉBUT 2011


Les personnes contaminées par le virus de l’hépatite C à l’occasion de transfusion ou de médicaments dérivés du sang ont été les grands oubliés du mouvement de « garantie sociale » amorcé au début des années 90.

En effet, dès 1991, les victimes contaminées par le SIDA bénéficiaient d’un fonds d’indemnisation ( loi n° 91-1406 du 31 Décembre 1991 ) dont l’activité devait être reprise dès 2004 par l’ONIAM, tandis que la loi KOUCHNER du 4 Mars 2002 relative aux droits des malades indemnisait les victimes d’aléas thérapeutiques, d’infections nosocomiales, de produits de santé défectueux et de la recherche médicale, dans des conditions très libérales, sans démonstration d’une faute des acteurs de santé.

La loi n°2000-1257 du 23 Décembre 2000 créait, quant à elle, un fond d’indemnisation des victimes de l’amiante.

S’agissant de la contamination par le virus de l’hépatite C, la création d’un fond d’indemnisation a été proposée à plusieurs reprises ( proposition de loi AN, N° 3351 du 20 Février 1997 ; rapport du Conseil d’État de 1998 intitulé « réflexion sur le droit de la santé » ) mais elle n’a jamais pu aboutir.

Dès lors, l’indemnisation des victimes d’hépatite C « post-transfusionnelle » ne pouvait passer que par la voie contentieuse et la saisine, selon les cas, du juge judiciaire et du juge administratif avec les difficultés que cela représentait pour tenter de mettre en œuvre la responsabilité des Centres de Transfusions Sanguine et, plus tard, de l’Etablissement Français du Sang ( EFS ).

Il aura fallu attendre la loi N° 2008-1330 du 17 Décembre 2008 pour voir le sort des personnes contaminées par le virus de l’hépatite C s’améliorer avec la mise en place d’un dispositif de règlement amiable des dommages imputables à ces contaminations, confié à l’ONIAM, c’est-à-dire à un établissement public à caractère administratif de l’Etat, placé sous la tutelle du Ministre de la Santé en charge de la solidarité nationale.

À compter du 1er Juin 2010, les personnes victimes de contamination par le virus de l’hépatite C d’origine sanguine, ne sont plus contraintes de faire un procès contre l’Etablissement Français du Sang pour obtenir indemnisation, mais peuvent saisir l’ONIAM par voie d’une demande de règlement amiable ( le dossier d’indemnisation est disponible ici ) par simple lettre recommandée avec accusé de réception, l’ONIAM ayant alors un délai de six mois pour instruire la demande, l’expertise médicale étant laissée à sa discrétion et son coût étant supporté par l’administration sanitaire, contrairement aux pratiques anciennes.

Les décisions de l’ONIAM – offre d’indemnisation ou refus motivé – pourront être contestées devant le Tribunal Administratif et les actions en cours devant les tribunaux au 1er Juin 2010 pourront bénéficier d’un sursis à statuer, dans l’attente de la décision prise par l’ONIAM.

Les premières demandes amiables d’indemnisation ont été adressées à l’ONIAM et le début de l’année 2011 devrait être riche en enseignement sur le montant des indemnités proposées par l’ONIAM. 

REVIREMENT DE JURISPRUDENCE HISTORIQUE RELATIF A LA SANCTION DU DEFAUT D’INFORMATION DU PATIENT

Par un arrêt rendu le 3 Juin 2010 (Civ. 1ère, 3 Juin 2010, N° de pourvoi: 09-13591), immédiatement suivi par le Conseil d’Etat, les juges ont bouleversé la donne en ce domaine, oh combien sensible, du défaut d’information du patient : la responsabilité du professionnel est désormais accrue puisque, dès lors que la preuve d’un acte médical non consenti est rapportée, ce défaut d’information cause nécessairement au patient un préjudice que le juge doit obligatoirement indemniser, la Cour ayant jugé : « que le non respect du devoir d’information qui en découle, cause à celui auquel l’information était légalement due, un préjudice… que le juge ne peut laisser sans réparation.»
Ce revirement de jurisprudence rompt avec une tradition de plus de 70 ans, qui remontait à l’arrêt Mercier de 1936 qui fondait la responsabilité médicale sur une faute dans le cadre du contrat de soins conclu entre le patient et le médecin, c’est-à-dire sur la responsabilité contractuelle.
Or, le revirement de la Cour de Cassation fonde aujourd’hui la réparation d’un acte médical non consenti sur l’irrespect d’une obligation éthique qui trouve son fondement dans le respect du principe constitutionnel de sauvegarde de la dignité de la personne humaine.
Pour la doctrine juridique en droit de la santé et notamment pour le Professeur Stéphanie PORCHY-SIMON, le préjudice réparable en cas de défaut d’information ne pourra être que la réparation d’un préjudice moral car «une autre solution paraîtrait en effet difficilement envisageable. Il serait ainsi déraisonnable de postuler l’existence d’une perte de chance puisque celle-ci doit par nature être quantifiée et ne peut exister que dans la mesure où la victime a perdu une chance réelle qui doit être appréciée in concreto.» ( Cf. Revirement de la cour de cassation quant à la sanction du défaut d’information du patient, S. Porchy-Simon, semaine juridique, 12 juillet 2010 )
Si ce revirement doit être accueilli avec enthousiasme au regard du nouveau fondement de la responsabilité pour défaut d’information (1), l’appréciation, en revanche, de ce préjudice moral appelle davantage de réserves (2).

1 – Le nouveau fondement juridique de la responsabilité pour défaut d’information repose sur des bases solides : textes légaux et nouveautés coordonnées de la jurisprudence.
D’abord, l’article 16-3 du Code Civil rappelait avec insistance qu’il ne peut être porté atteinte à l’intégrité du corps humain qu’en cas de nécessité médicale et avec le consentement de l’intéressé qui devait être recueilli préalablement et la loi Kouchner du 4 Mars 2002 n’était pas muette sur la nécessité de sauvegarder la dignité de la personne malade.
Ensuite, avec l’arrêt déjà très remarqué du 9 Octobre 2001, qui avait fait le lien entre le principe constitutionnel de sauvegarde de la dignité de la personne humaine et l’irrespect des obligations d’information puis, avec l’arrêt novateur de la Cour de Cassation du 11 Mars 2010 ( Civ. 1ère, 11 Mars 2010, N° de pourvoi: 09-11270 ) qui avait admis un cumul d’indemnisation entre une faute d’information et un accident médical non fautif, mettant ainsi à mal l’ancienne construction jurisprudentielle fondée sur une indemnisation très hypothétique du défaut d’information par l’application de la théorie de la perte de chance d’échapper au risque qui s’est réalisé, les juges avaient montré le chemin.
Les signes avant coureurs d’un revirement du fondement de la responsabilité pour défaut d’information étaient donc nombreux et concordants, même si un arrêt rendu par la Cour de Cassation le 6 Décembre 2007 était à contre-courant.
Est-ce à dire, cependant, qu’en l’absence de preuve d’une information du patient, ce dernier doit bénéficier ipso facto de la réparation d’un préjudice moral, même s’il a été guéri, sauvé ou même soulagé ?

2 - La Cour Européenne des Droits de l’Homme rappelle utilement à ce propos, s’agissant de la réparation d’un préjudice moral, que la simple constatation par une décision de justice de la violation de la règle invoquée peut constituer en soi une satisfaction équitable pouvant conduire, donc, à une indemnisation au titre de 1 € symbolique.
La démocratisation des juridictions ordinales, qui respectent aujourd’hui les règles du procès équitable ( décret de 2007 ), ne doit-elle pas conduire à évoquer en priorité la question du défaut d’information du patient devant les chambres disciplinaires de l’Ordre des médecins plutôt que devant les juridictions administratives ou civiles, voire devant les CRCI, dès lors que les sanctions ordinales prennent la forme de sanction éthique et non pas indemnitaire ?
Le droit du dommage corporel a toujours adopté dans l’Union Européenne et en France une conception restrictive de l’appréciation des préjudices moraux ou d’affection qui sont, par nature même, des préjudices dont la réparation en argent paraît la plus contestable, surtout lorsque l’on est ici en présence d’une atteinte à sa propre personne, mais rien n’est moins sûr en droit de la santé car «  n’oublions pas que tout oiseau aime à s’entendre chanter ! »